Soleils Debout, 2016
Installation - performance multi média
13 objets-instruments, caméras et vidéo projections en direct, son et multi diffusion sonores joué en direct, deux comédiennes, texte joué en direct
dimensions variables
30 minutes
"Pour la pratique d’un art à l’écoute"
Soleil debout est le prolongement d’une installation plastique et d’une performance (Une genèse, 2014) qui questionne le chaos. Les textes qui le composent, affrontent les pensées apocalyptiques; il m’importait d’imaginer une forme en vis-à-vis des événements qui s’imposent à notre actualité. Faire acte dans une organisation proche du théâtre me permet de rendre ductiles les matières et les objets pré-conçus. Ainsi, les sculptures, les vidéos et les sons ont été travaillés dans la masse, adaptés à un nouveau contexte d’apparition du travail. Les nombreux textes ont été ré-écrits pendant le travail en résidence pour trouver un équilibre entre les voix, les présences et les objets. SOLEILS DEBOUT est hybride entre installation, théâtre et performance. Il est issu de rencontres et d’opportunités, il témoigne d’une volonté d’ouverture et d’adaptation. Chronologiquement, ce «spectacle» succède à un dispositif de sculptures, d’images et de textes enregistrés Un journal en Palestine (juin 2016) qui donne place aux errants-immobiles. Cette fois encore, je veux me tenir à une pratique de l’art à l’écoute et je cherche à ouvrir une voie qui déjoue les pessimismes, les replis et les renoncements.
Azimuts, Un journal en Palestine, 2016
Installation - performance
Sons, vidéo, photographies, table de dessins, ordinateur et logiciel de traitement de texte dont l'écran est vidéo projeté, bureau, chaise
Dimensions variables
15 minutes
Lors de mon séjour en résidence en Palestine, il m’est apparut que les questions de temps, toujours semblables car la situation des Palestiniens n’évolue pas et les questions d’espace du territoire qu’ils parcourent en tout sens et dont ils ne peuvent pas sortir étaient prépondérantes. Un journal m'a semblé adapté pour rendre compte de cela car il porte de manière claire une scansion du temps et qu’il est aussi une mesure de surface.
Les différents objets qui constituent l’installation ont été construits et composés pour les relations qu’ils entretiennent entre eux. Ils forment un tout. Les textes dits répètent un même motif et scandent des journées toutes semblables. Les images montrent des espaces peu habités, en devenir ou abandonnés.
Je voulais éviter une forme de performance événementielle qui aurait pu interrompre le processus d’appropriation des éléments de récits donnés aux spectateurs. Pour cela, ma présence est muette et mes actions fonctionnelles. Ainsi, j’appartiens à la fiction en train de se construire et ma présence est proche de celle des spectateurs qui ont aussi la possibilité de s’attarder et de privilégier la saisie de tel ou tel indice ou couche de représentation. Il arrive que ma présence se fonde dans le décor. Je peux aussi apparaitre comme le conteur du récit en train de se former. Lors de la séquence finale, ma présence se superpose à celle du personnage désigné par « Elle » dans les textes.
Textes (sélection)
"(...) Toutefois, s’il y a contemplation, la posture est loin d’être sereine ; au contraire, face à chaque œuvre, il s’agit de se laisser éprouver par les torsions et les dissonances de chaque dispositif. On le ressent notamment dans la grande sculpture de Pauline Bessières, qui domine la pièce : une structure sphérique faite de bois et de métal est suspendue en l’air comme une planète, et se confronte avec une projection d’arbres se balançant au gré du vent, dans une forme circulaire, comme un reflet de la sculpture suspendue. La légèreté dialogue avec la densité ; c’est un jeu de forces déjà présent dans le récit même qui a mené à l’élaboration de l’œuvre – un conte chinois racontant l’histoire d’un seau d’eau qui, renversé, ne permet plus d’y contempler le reflet du ciel ; « Plus d’eau, plus de lune » dit l’histoire. La dimension de la perte et des forces qui s’agitent pour rester en équilibre (les tiges de métal qui se contorsionnent de façon presque théâtrale, dramatique, cet imposant volume suspendu, le vent dans les arbres…) est bien présente, et ajoute une tension à ce qui pourrait n’être qu’une simple contemplation. (...)"
Sarah Si Hamed, le 26 janvier 2016, Le Bourdon, Actualités de l'art contemporain
>>>> texte entier :
http://www.arpla.fr/mu/lebourdon/2016/01/26/burnout-a-lamour/
Pauline Bessières est sculpteur. C’est à dire que son rapport à la résistance forge son activité et sa pensée.
A l’origine, «sculpere» signifie tailler ou enlever des morceaux à un bloc de pierre ou de bois qui résiste.
La sculpture, de son origine à nos jours, doit beaucoup à l’amulette et au tumulus.
Le tumulus est l’amas de pierre dont on recouvre les morts pour protéger les corps, des crocs des bêtes sauvages, il désigne un lieu pour se souvenir. Il désigne aussi le passage par où, rejoindre ceux qui nous ont quitté. L’amulette est ce que l’on porte sur soi pour ne pas avoir trop peur et accomplir les exploits par lesquels notre vie nous mène. L’amulette est un objet magique par lequel des transactions sociales et avec des forces surnaturelles deviennent possibles.
Pauline Bessières se place là où ça résiste. Son parcours, récent, puise ses formes dans une pratique critique de la performance alliée à des dispositifs de sculpture et de vidéo qui ne rejettent pas le white-cube. Elle accepte et prend le schéma classique de l’exposition comme une arène. Dans cette arène, elle nous propose d’entrer et de prendre part à ce qui la préoccupe.
S’il fallait dire cela d’un mot, je choisirais «apocalypse» mais le mot est lourd de significations qu’il convient maintenant de déplier un peu. Apocalypse est à la fois annonciation, fin et commencement.
La vision que Pauline B. a de notre monde est une vision politique. Elle connaît les méandres économiques et géo-stratégiques par lesquels passent les tractations qui gouvernent notre marche. Son séjour en Palestine lui à permis de vérifier les impasses, les nœux et les démissions où elles conduisent. Elle sait les limites de ces politiques. Elle en espère la fin et l’anticipe. Cette vision est obscure et le white-cube se transforme alors en «black-cube».
Dans cette masse noire, elle ouvre des jours. Elle se rapproche du chaos car elle sait que celui-ci n’est autre que ce qui excède notre entendement. Les chaos qu’elle envisage et construit sont porteurs de rythmes et d’élans vitaux. Ils sont annonciateurs de formes de compréhension par les corps que ni le sage ni le danseur en transe ne sauraient nier. A la fin est le commencement. Pauline B. nous propose différentes formes de commencement. Ils sont parfois désespérés, dérisoires, ou drôles. Elle nous accompagne jusqu’au seuil et nous permet d’imaginer les couleurs de nos avenirs incertains.
En 2013, Joe Strummer, chanteur des «Clash» déclarait à un journaliste qui l’interrogeait sur le caractère militant de ses chansons des années 80. « ...certes, il est aujourd’hui plus difficile d’être un musicien engagé.... une bonne partie de ceux qui nous écoutent ont du mal à croire aux clivages marxisme/capitalisme ...... alors ma musique fait danser... La danse est un premier pas contre le renoncement, un acte de résistance.»
Pauline Bessières est sculpteur. C’est à dire qu’elle s’affronte à toutes formes de matières, de dimensions et de démesures. Elle se propose d’aller toucher le ciel, pour en ramener des morceaux peut-être, de vivre le passage d’un espace-l’autre, d’un temps à l’autre. Ces zones de passage sont franchies en osmose ou de manière violente et chaotique. Ses inquiétudes ressemblent aux notres, elle les porte sans condescendance ni affectation. Par sa voix raisonne notre difficulté à être des héros de notre temps et pourtant, inconsolable, elle ouvre la danse.
Jean-Pierre Castex, à l’Isdat, 2014.